Le poids des images par Marine Pistien
En avril, Le Couvent recevait en résidence l’artiste photographe Marine Pistien, et ses recherches autour de la matérialité et du poids des images.
Accompagnée par les artistes Chloé Saffores (danse, improvise, pérforme et étudie conjointement avec les théories trans*féministes, compost-humanistes et les danses expérimentales contemporaines) et Aurélie Gosset (céramiste, danseuse, photographe).
Sortie de résidence le 28 avril
14h – 18h
Performance à 16h3o
“En tant qu’artiste et travailleuse de l’image, je suis prise de vertige face à la surabondance des images, face à notre assujettissement généralisé à celles-ci (et aux écrans) au détriment de notre droit fondamental à rêver et imaginer. Peut-on encore lutter ? Pourquoi pas, au contraire, se mettre au service de ces dernières pour s’en jouer ? Comment puis-je servir -me servir de- l’image ? Je cherche à vider l’image de sa substance, la tordre, la plier. Ce jeu est ma réaction au pouvoir des images.
Mes réflexions actuelles m’emmènent vers des questionnements liés aux poids des images au sens littéral et métaphorique. L’image est prismatique, elle est partout, tout le temps. L’image est envahissante, elle remplit des espaces de stockage, elle remplit mon espace mental, elle prend trop de place.
Ce qui m’amène à vouloir déplacer l’image du monde virtuel vers l’espace du réel. Qu’est-ce que ça fait si l’image devient un volume dans l’espace, avec une matérialité, un poids ?
Je travaille à rendre physique le poids de l’image informatique ; combien pèse 1Mo ? Je cherche à produire un tableau de conversion de poids du kilogramme vers le kilo-octet. Combien pèse une image ? Combien prend-elle de place dans l’espace réel ? L’idée est de jouer entre ces deux frontières ; l’espace du virtuel et celui du réel.
Ce qui formellement pourrait se traduire par des images qui volent dans l’espace, des images qui flottent, des images qui tiennent debout, des images qui seraient étirées, pliées, légères, lourdes, épaisses, volantes, clouées, rognées, déployées, déchirées, recomposées, superposées, suspendues, rembobinées, imprimées, ventilées, dessinées, vibratiles, posées, scrollées, chorégraphiées, mouvementées, équilibrées, tournées, renversées, redressées,
exposées, imagées, épuisées, activées, défilées, annulées.
Je cherche à instaurer un rapport plus physique à l’image. Par exemple, une image pourrait tenir en équilibre seulement avec l’aide d’un corps qui servirait de soutien à l’image ; il se passe quoi si je lâche ? Est-ce que l’image meurt ou continue d’exister selon son propre régime d’existence ? Que se passe-t-il quand on ne regarde plus l’image ?
Quel serait alors le rapport humain à l’image, son rapport sensoriel ? Ce qui m’intéresse, c’est de créer un rapport plus haptique et sensible à l’image, plutôt qu’optique.
J’ai commencé à explorer spatialement ces questions lors d’une résidence en Juin 2023 à l’ENSP (Ecole Nationale Supérieure de la Photographie) à Arles avec une performeuse et chorégraphe Chloé Saffores. Nous avons produit des images in-situ. A partir de cette pile d’images, nous avons fait des avions en papier que l’on a fait voler dans l’espace. Comment le pli occulte et modifie notre rapport aux images ? Plier l’image c’est une autre expérience que de la regarder.
J’envisage de poursuivre mon travail sur la relation humain/image, de pouvoir sentir sa résistance, son poids, de pouvoir jouer avec. L’idée est de continuer de créer une partition visuelle entre performances, objets photographiques et installations, explorant le rapport de nos corps et de nos sens face aux images.
Je tente d’ouvrir un champ de questionnement sur les représentations du réel et de l’imaginaire.”
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