
[Petit-déjeuner Vernissage] L’enclume et la couette

Dans le cadre du festival Tangible, dédié à toutes les formes d’expression du design
L’enclume et la couette est une exposition proposée par Angelo de Taisne, artiste-résident du Couvent.
Ici, dans cette chapelle, je ne vous accueille pas chez moi, mais j’ai la chance de créer un lieu de bienvenue, pour quelques jours, comme un salon géant et calme, ou bien ma chambre si elle était plus grande.
✻ ✻ ✻ ✻ ✻ ✻ ✻
Ouvert du 11 au 26 octobre, les mercredis, samedis et dimanches de 12h à 17h30
Vernissage / petit-déjeuner le samedi 11 octobre à 10h
Activation nocturne le mercredi 22 octobre dès 18h
✻ ✻ ✻ ✻ ✻ ✻ ✻
Si j’avais une taverne elle s’appellerait comme ça, j’y mettrais mon atelier au fond, ma chambre au-dessus. Il y aurait une enseigne rouillée au vent mais bien découpée en belles lettres, et tu sais que tu peux entrer. Il ferait chaud du feu et des bougies sur les tables — parfois frais aussi.
Je veux parler de solitude. Pas forcément être seul, mais s’isoler, être têtu, faire sans savoir le résultat, avec une idée en tête comme si la vie en dépendait. Ça n’a pas beaucoup de sens, mais le voir chez quelqu’un m’aide à le voir en moi. Et faire une exposition seul, ça n’a pas beaucoup de sens, mais je n’étais pas seul finalement. J’ai de la chance et des choses que je voulais partager.
Quand j’ai rencontré Luciefer à Allauch, derrière son portail forgé de ses mains, j’ai vu son chien d’abord, puis lui. Je savais qu’il travaillait la nuit, on s’est vu tout de suite.
Il fume des cigarillos quand il pense — dans ses yeux et ses sourcils qui plongent dans l’odeur piquante de l’acier, je devine de longs moments à contempler l’enclume. Ses mains soudées à l’établi, il retourne toutes les formes, tous les outils, tous les métaux dans sa tête.
Son atelier est ouvert aux grands vents. Je ne l’ai pas connu l’hiver. Nous entrons dans l’automne quand j’écris, et j’imagine le soleil se coucher plus tôt, la détermination qu’il faut pour tenir le métal glacé puis brûlant, qu’on ne peut plus toucher à mains nues. Se perdre dans les barres, les tôles, les tubes, l’arc, le découpeur, les projets rouillés.
Il faut une solitude et un feu pour continuer. Luciefer, merci.
Si une forme, un ornement me touche, c’est qu’il parle surtout de celui qui l’a créé, de son époque, de l’acier sous la main, des outils, de la technique néces- saire pour cintrer, souder, marteler, assembler. Et de l’usage de l’objet.
J’aime l’état changeant de la cire, de l’acier, du verre. Le feu et la chaleur conditionnent leur état – on les tord on les tire on les coule. Sous leurs airs rigides d’aujourd’hui, ils ont été mous et peuvent le redevenir. Discretèment, ils gardent les traces d’une chaleur passée.
J’ai besoin de me sentir entouré de chaleur, de gens, d’objets.
Les cierges ici font ce que le feu sait faire :
être présent. Pour moi accueillir c’est être présent. Sentir qu’on a du temps ensemble.
Ici, dans cette chapelle, je ne vous accueille pas chez moi, mais j’ai la chance de créer un lieu de bienvenue, pour quelques jours, comme un salon géant et calme, ou bien ma chambre si elle était plus grande.
J’ai fait des études d’architecture, mais pour l’instant, ce que je préfère, c’est aller chez mes ami·es ou ma famille – des espaces qui vivent longtemps, où la rigueur de l’architecture compte peu. Ce ne sont pas des espaces d’images, mais de gestes du quotidien.
Ce que j’aimerais transmettre, c’est l’essence de certaines choses qui me touchent, dans les rituels intérieurs, de la maison, de l’accueil chez soi, de se sentir enveloppé.
Je voulais que vous puissiez passer, rester un peu, si la présence des bougies et un café vous est agréable. Je ne sais pas à quelle heure vous arrivez, quelle lumière il fait, ni votre humeur. Mais j’ai disposé des matelas, vous pouvez vous allonger, faire une pause. Être dans des draps, j’y tiens. Le linge symbolise beaucoup. J’y ai passé toute ma vie, je le retrouve chaque soir, il m’accueille chaque matin, contre ma peau.
___________________________
En partenariat avec Fotokino
Avec le soutien de la Région Sud