“Choeur/Cohorte” de Jérémie Nicolas
Point d’orgue de sa résidence au Couvent, l’artiste Jérémie Nicolas présentera le 7 juin Choeur/Cohorte, installation sonore performative créée in situ pour les deux chapelles.
Voix choeurs : Ife Day, Cy Lecerf Maulpoix, Jérémie Nicolas
Voix monologues : Florian Gaité, Jérémie Nicolas
L’installation réactive un dispositif d’écoute que les sœurs ayant occupé les lieux de 1938 à 2016 pratiquaient lors des messes. Cet ordre diocésain, qui s’est donné le nom de Victime en rapport à son extrême dévotion religieuse, avait pour habitude de placer le chœur musical dans l’enceinte de la petite chapelle, pour que l’audience de la messe, située dans la grande chapelle concomitante, écoute le chant des voix sans en voir la source.
Cette situation d’écoute de sources non directement audibles, qu’on peut nommer acousmatique, dessine plus largement une double condition impliquant un mode d’attention concentrée, et un rapport de déprise avec l’objet.
Replacé dans sa relecture tragique, le musical apparaît comme un problème d’accès à l’irreprésentabilité de la musique. Un des premiers gestes philosophiques de Nietzsche est de rappeler que la tragédie est née du chœur et qu’elle n’est à l’origine rien que lui. Le drame est d’abord pris en charge par un médium artistique qui ne produit pas d’image. La racine étymologique de la tragédie, qui signifie le chant du bouc, traduit également cette primauté de la musique dans le projet dramaturgique.
Le dithyrambe tirerait sa définition d’une double porte. La fonction de mur vivant que Nietzsche donne au chœur a pour fonction de mener le public à construire un état d’être fictif, par l’intermédiaire duquel s’organise l’effet tragique, et dont l’épreuve ne se donne que sous la forme d’une contradiction. La métamorphose d’un individu appelé à se rassembler au moment de sa propre dispersion subjective, qui donne l’opposition du chœur et de la cohorte, n’est qu’une des innombrables images contradictoires servant à décrire l’effet tragique : une rencontre entre le rêve et l’ivresse, une vision analogique d’une force destructrice et aveuglante, un don d’apparence à la disparition, un cri d’épouvante qui retentit au plus fort de la joie, bien sûr l’entremise de la forme apollinienne et du chaos dionysiaque.
Dans un document écrit par Auguste Payan d’Augéry, ancien vicaire général de Marseille, qui relate la vie de Julie-Adèle de Gérin Ricard, fondatrice de la maison des sœurs Victimes, la pratique radicale de la dévotion frôle étonnamment les descriptions les plus lyriques de l’expérience tragique nietzschéenne. Outre le rapport au silence interprétatif, et l’acceptation sans réserve de la vie jusque dans la souffrance, un étrange passage à propos d’un Projet de rien, fait apparaître la limite à son plus brillant stade de porosité.
Le parallèle ne tient pas très loin. Mais tout de même, il est ici nécessaire, et pour ainsi dire déterminant. Au moins autant que l’est l’artifice. Pas tant pour penser à l’aspect tragique de la religion ou à la religiosité mythique qui accompagne la tragédie, que pour nommer l’élément commun qu’elles partagent. Qu’est-ce qui rend conséquent l’événement esthétique ou le miracle lorsqu’ils arrivent, comme ils arrivent toujours, c’est-à-dire sans prévenir, si ce n’est le fait d’y croire ?
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Artiste-chercheur et doctorant à Paris 8 (EA 1572 Musidanse/CICM) où il a enseigné de 2020 à 2022, Jérémie Nicolas vit et travaille à Marseille. Sa thèse Écho d’affect d’effroi. Penser un accident de l’écoute musicale (codir. Anne Sèdes et Joseph Delaplace), est encadrée par un contrat doctoral de l’EDESTA et soutenue par l’aide à la création 2021 d’ArTeC. Ce projet, à cheval entre philosophie de la musique et psychanalyse, repose la question de l’affect musical depuis la surprise et l’interruption propre au choc d’effroi, réactivant par-là une pensée tragique de l’expérience esthétique. Sa pratique, située à la lisière de la musique, des arts sonores et de la performance, associe une sonorité de composition, le silence enregistré, et la construction de dispositifs d’écoute en feuilles d’acier. En 2023 il mène un appel à projet à la MSH Paris-Nord rassemblant la MSH Sud et la MMSH. Porté avec Julie Savelli et Éric Soriano (Montpellier 3, Rirra21 / Art-Dev), ce projet est destiné à valoriser et exposer son installation sonore Haraka (« mouvement » en arabe), notamment au Mémorial du Camp de Rivesaltes. Dans ce cadre il organise avec Véronique Ginouvès (UAR 3125 AMU/CNRS) une journée d’étude transdisciplinaire à la MMSH, sur le silence comme témoignage du trauma colonial algérien. Il publie également un article « Penser et créer le potentiel audible d’un silence de voix » dans un ouvrage collectif à venir aux Presses Universitaires de la Méditerranée.
https://www.instagram.com/jeremie_nicolas/
2€ d’adhésion (/an)
Buvette et restauration sur place avec Les Eaux de Mars, dans le cadre des Tables du Vendredi
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ATTENTION
LES SOIRS DE PROGRAMMATION, LE JARDIN EST SOUMIS AUX MÊMES HEURES DE FERMETURE QUE LE RESTE DE LA SEMAINE, EN OUTRE SON ACCÈS EST STRICTEMENT INTERDIT À PARTIR DE 19H30.
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